lundi 6 août 2012

Femmes et littérature: l'évolution de la figure de l'héroïne!

(Femme lisant, d'Alfred Stevens)


Après ma petite "analyse" de The Dark Knight Rises, retour à un sujet bien plus littéraire! A l'occasion de la sortie, récente, d'une nouvelle adaptation du roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre, dans les cinémas, j'ai décidé de vous proposer un article consacré aux héroïnes en littérature. Nombreuses, elles sont aussi très variées, et le statut de l'héroïne a varié avec les siècles, suivant le plus souvent le cours de l'évolution de la société. Fatale ou amoureuse, manipulatrice ou sensible, vertueuse ou libertine, la femme met bien du piment dans les intrigues, qu'elle soit en position de personnage secondaire ou d'héroïne. Je vous propose donc de passer en revue les différents genres littéraires pour découvrir les différents visages de la femme en tant qu'héroïne!

Commençons par une petite leçon d'étymologie...
D'où vient le terme de "héroïne"?
Tout simplement de son équivalent masculin, "héros". A l'origine, le terme "héros" désignait, durant l'Antiquité, ou des individus reliés au Panthéon des Dieux grecs par un de leurs parents (à l'image d'Heraclès, connu sous le nom d'Hercule, notamment) ou des hommes possédant des qualités qui font d'eux des "surhommes", comme le courage, la ténacité et bien d'autres (on peut donc par exemple qualifier Ulysse de héros). On retrouve la même idée chez les femmes, pendant la Rome Antique, pour désigner les demi-déesses. Par la suite, les deux termes ont pris une signification plus vaste, désignant les personnages principaux des histoires, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes. On trouve des héroïnes dans tous les genres littéraires, les romans, les pièces de théâtre...


Mangas et comics: petit tour d'horizon:
Comme vous le savez peut-être si vous lisez le blog, j'aime beaucoup les mangas et les comics, même si ce ne sont pas les genres que je lis en priorité. J'aime donc leur consacrer, quand cela s'y prête, une petite place dans mes articles, afin d'élargir votre champ de lecture!

Les comics: du personnage secondaire à la super-héroïne:
Au départ, les comics s'adressaient majoritairement à un public masculin, avec des titres mettant en scène des super-héros (notamment chez Marvel et DC Comics). Les personnages principaux étaient donc des hommes, et surtout des surhommes, à l'image de Superman, Batman, Captain America, Hulk et tant d'autres, plein de testostérone, abordant fièrement leurs slips colorés sur des collants tout aussi festins. Les filles étaient alors cantonnées à des "seconds rôles", celui de la fiancée du héros, toujours kidnappée par le méchant, ou celui de la fille inaccessible à laquelle il pense sans arrêt: Mary Jane Watson, pour Spider-Man, Loïs Lane, la copine un peu quiche de Superman (il met des lunettes, et personne ne le reconnaît...).

(Mary Jane Watson)


Mais à partir des années 1940, le monde des super-héros a vu apparaître les premiers personnages féminins réellement importants, comme Catwoman en 1940, et les premières héroïnes (ou super-héroïnes), à l'image de la plus célèbre d'entre elle, Wonder Woman, qui a droit à ses propres comics, sa série télévisée au succès mondial, devenue culte grâce à l'actrice Lynda Carter, et un film serait même en préparation!

(Lynda Carter, superbe en Wonder Woman)

Pourquoi cette apparition des super-héroïnes? On peut trouver à cela plusieurs réponses. D'abord, pour élargir davantage le lectorat, en attirant les filles dans cet univers masculin, en leur proposant des héroïnes féminines, mais aussi fortes, capables de se battre et d'affronter des méchants qui n'ont rien à envier à leurs homologues masculins. Ensuite, les hommes sont également visés: en effet, les héroïnes, plutôt sexy et bien pourvues, sont là pour mettre un peu de féminité dans le milieu plein de testostérone des super-héros.

Depuis, de nombreuses héroïnes sont apparues; à l'exception de quelques-unes (dont Wonder Woman et la Veuve Noire), elles sont inspirées des super-héros: Supergirl, Batgirl, Miss Hulk,... Elles sont la personnification de qualités humaines comme le courage, l'amitié, ou la ténacité, face aux travers et aux vices de leurs ennemis... De plus, il est important de noter que certaines, comme Wonder Woman, sont devenues de vrais symboles du féminisme: Wonder Woman, l'Amazone (une référence antique, tiens!), a d'ailleurs été créée dans le but de donner envie aux filles d'être des filles, grâce à une héroïne 100% féminine mais aussi et surtout puissante et forte, grâce à son lasso de la vérité!

(les super-héroïnes incarnent un combat féministe)


En dehors des super-héros, le monde des comics propose de plus en plus de titres avec des femmes comme personnages principaux: dans Fables, Blanche-Neige mène l'enquête aux côtés du Loup policier, et elle est l'incarnation du pouvoir et de la puissance...


Shojo et shonen: les multiples visages de la féminité au Japon.
Comme je vous l'avais expliqué dans mon article consacré aux mangas de l'été, les mangas se répartissent en différents genres, qui sont dirigés vers des publics variés. Les deux plus connus, en France, sont le shojo (des histoires sentimales, majoritairement, pour les filles) et le shonen (de l'action et des combats, pour les garçons). Les personnages féminins sont donc très variés dans l'univers du manga, ce que je vous propose de découvrir à présent.

Le shojo est un genre de manga principalement destiné aux filles, qui met en scène le plus souvent la vie quotidienne et la réalité, autour de personnages, surtout féminins, et d'histoires sentimentales. C'est donc sans surprise que l'on retrouve une profusion de personnages féminins et d'héroïnes dans ce style. Ces héroïnes du quotidien nous racontent leur vie, même dans les recoins les plus intimes, parfois! On a par exemple Nika Tamiya dans Switch Girl!!, Nana et Hachi dans le cultissime Nana de Ai Yazawa,... Ces personnages vivent dans la réalité, rencontrant des problèmes similaires à ceux de leurs lectrices: les relations compliquées, cacher un secret, affronter les cours... Les lectrices se sentent proches de ces personnages, un but évidemment recherché par les mangakas. Certaines avouent même puiser dans leur vie personnelle pour élaborer leur histoire, un gage supplémentaire d'authenticité!


(Hachi et Nana, deux héroïnes cultes du shojo)


Mais le shojo peut aussi se dérouler dans un monde qui échappe au réel: c'est le cas par exemple de Vampire Knight, dans lequel on retrouve des vampires, et où la jeune Yûki doit affronter des problèmes complexes ainsi que ses propres tourments d'adolescentes... On a également les Magical Girls, des héroïnes proches des super-héroïnes américaines, en plus (ou trop, je vous conseille la vidéo du Joueur du Grenier sur les dessins animés pour filles) kawaii, souvent de jeunes adolescentes dôtées de pouvoir qui doivent affronter le mal tout en continuant de grandir et d'aller à l'école. La plus connue de la jeune génération est sûrement Sakura, de Card Captor Sakura de CLAMP, mais il y a aussi les héroïnes de la série culte Sailor Moon, avec Sailor Moon, Sailor Mercury, Sailor Mars... En bref, des héroïnes qui allient encore une fois féminité et puissance! Elles ont même le mérite d'attirer la gent masculine dans leur filet!

(les Sailors de Sailor Moon)

Les Magical Girls sont une transition parfaite pour nous tourner vers le monde du shonen, qui n'est pas en reste avec les personnages féminins. Souvent caractérisées par une forte poitrine, celles-ci restent malgré tout des personnages importants dans les shonens, parce qu'elles ne se cantonnent pas toujours au rôle de la potiche un peu stupide (même s'il y en a, bien évidemment). On peut citer en exemple Bulma de Dragon Ball, qui, grâce à son intelligence et la technologie qu'elle possède, est d'un précieux secours dans la quête des Dragon Balls, tout en cumulant un physique avantageux qui lui sera parfois un fléau (on pense à Tortue Géniale...). Dans Fairy Tail, une bonne partie (si ce n'est la moitié) des personnages fait partie de la gent féminine, et ces héroïnes sont aussi fortes (si ce n'est plus) que leurs homologues de guilde: Erza Scarlet, Lucy, Jubia ou encore Mirajane apportent à l'histoire autant que les hommes!

(Bulma cumule un physique avantageux et une volonté de fer)


En littérature: une évolution de la figure de la femme!
En poésie, théâtre et dans le roman, nombreux sont les personnages de femmes. Et il n'est pas faux de dire qu'un regard rétrospectif sur la littérature est un bon moyen de comprendre comment la femme était perçue aux différentes époques de l'histoire, et comment son personnage a évolué avec les années et les genres. Penchons nous donc un peu sur chacun de ces trois grands genres!

Le théâtre: de la Grèce Antique à aujourd'hui...
Je l'avoue, je ne suis pas une grande experte du théâtre: mes connaissances se limitent surtout à quelques pièces de la Grèce Antique, et à l'oeuvre de Shakespeare et Molière. Je vais malgré tout tenter de vous dresser un portrait de l'évolution de la femme dans le monde du théâtre.

Le théâtre s'est développé sous la Grèce Antique: considéré comme un hommage aux dieux, et notamment à Dionysos, le théâtre a connu de grandes heures de gloire, avec des structures adaptées destinées à accueillir le public, à le divertir, en lui offrant un véritable spectacle, avec déjà des machines et des outils assez modernes pour l'époque. Certains auteurs connaissaient même un immense succès de leur vivant, et leur nom a su traverser les âges, comme Euripide, ou Eschyle. Cependant, je me dois de rappeler un fait important: sous la Grèce Antique, seuls les hommes avaient le droit de jouer et de monter sur scène, les femmes étant exclues du théâtre comme de beaucoup d'autres domaines... Mais l'absence de femmes actrices n'empêche cependant les auteurs antiques de mettre des femmes dans leurs pièces: on retrouve donc des déesses, comme Aphrodite, ou Artémis, souvent à l'origine des intrigues; mais aussi des personnages mythiques, dont les histoires ont été à maintes reprises utilisées. C'est le cas d'Iphigénie, qu'Euripide utilise dans Iphigénie à Aulis et dans Iphigénie en Tauride; celui-ci utilise également le personnage de Phèdre, un personnage devenu culte dans le monde du théâtre grâce à la réutilisation de cette héroïne tragique par Racine, dans la pièce éponyme, plusieurs siècles plus tard. Phèdre est une femme qui tombe amoureuse du fils de son mari, et qui, dévorée par cet amour, s'enfonce dans une spirale de culpabilité et de mensonges qui entraîne sa chute... L'avantage de cette héroïne: les multiples regards qu'il est possible de porter sur elle. Est-elle totalement coupable de ce qui lui arrive? Quelle est la responsabilité des dieux? Un véritable portrait psychologique complexe et captivant...

(Phèdre, une héroïne qui traverse les siècles)


Les femmes jouent un rôle capital dans les pièces de théâtre de la Grèce Antique, intrigantes ou victimes (comme Iphigénie), et c'est un constat qui se vérifie quelques siècles plus tard, dans l'écriture de William Shakespeare par exemple. En effet, dans ses pièces, Shakespeare utilise souvent des femmes, même si la plupart de ses héros sont des hommes (Othello, Richard III...). Elles partagent même les titres de certaines pièces, comme Roméo et Juliette, et prennent parfois le pouvoir: c'est le cas de la grande Lady Macbeth, dans la pièce Macbeth. Loin d'être simplement une femme de noble, elle pousse carrément son mari au meurtre pour prendre le pouvoir... Une femme puissante et forte, manipulatrice, punie par la suite par la folie. Si lire la pièce ne vous tente pas, je vous conseille quand même de regarder l'adaptation britannique avec la très grande Judie Dench, dans le rôle de Lady Macbeth, une interprétation qui nous montre toute la complexité des héroïnes shakespeariennes.


(Judie Dench incarne avec brio la machiavélique Lady Macbeth dans une adaptation très réussie de la pièce)

En France, c'est Molière qui aime utiliser les femmes comme personnages de ses pièces. Elles sont cependant très rarement les personnages principaux, même si il aime les mettre en avant, que ce soit dans l'Ecole des Femmes, les Précieuses Ridicules... Dans presque toutes ses pièces, la femme est là, représentant la vertu ou la femme manipulatrice, la femme futile,... Molière nous présente déjà à l'époque de multiples visages de la féminité, toujours avec un ton empreint d'humour. Le plus souvent, il aime utiliser des servantes qui, comme leurs homologues masculins, sont souvent la voix de la raison...

A travers les siècles, la femme est restée présente dans les pièces de théâtre. Pour conclure ce paragraphe sur ce sujet, j'ai choisi de vous parler de la pièce Huis Clos de Jean-Paul Sartre, dans laquelle deux des trois personnages principaux sont des femmes: Inès et Estelle, deux incarnations de la femme assez différentes, entre la femme fatale et la femme manipulatrice, deux incarnations de la sexualité également, deux styles de vie. Joseph est pris entre ces deux femmes, tour à tour fortes ou faibles, dont l'histoire est révélatrice d'une nature profonde souvent dissimulée.


Le roman: une évolution qui suit la société.
Dès les premiers romans, la femme s'est imposée comme un personnage capital à l'intrigue, devenant même une héroïne à part entière, prenant la place des hommes que l'on retrouvait dans des postures semblables à celles des héros de la guerre de Troie dans l'Iliade ou d'Ulysse dans l'Odyssée. Mais avant d'en arriver à des romans comme Madame Bovary ou encore les romans de Toni Morrison dans lesquelles la femme est véritablement une héroïne, l'utilisation de la femme a connu plusieurs étapes...

Tout d'abord, on retrouve la femme dans les romans de chevalerie, ou les romans courtois: dans ces romans, le héros est un homme, souvent un chevalier, qui, amoureux d'une dame (souvent mariée, ou de condition sociale supérieure à la sienne) va partir accomplir des gestes héroïques dans le but de séduire la femme de ses rêves par ses actes de bravoure. La femme est donc relativement absente de l'intrigue, cantonnée à rester une femme, l'objet des désirs du preux chevalier. La plus célèbre est sans nul doute Guenièvre, l'épouse d'Arthur qui, avant d'être la cruche sympathique de Kaamelott, hantait le sommeil de Lancelot par sa beauté et sa vertu.

Dans le même temps, la femme est aussi davantage présente dans certains types de romans, comme l'Astrée par exemple, mais dans une optique toujours sentimentale, même si son apparition est bien plus importante: la femme, généralement une jeune fille, rencontre l'amour en la personne d'un beau jeune homme, mais cet amour est ou terriblement compliqué ou purement impossible. Mais après moult péripéties au cours desquelles les amoureux seront séparés, réunis, séparés, réunis, ils découvriront un terrible secret gardé depuis toujours par la famille de l'un ou de l'autre, secret qui leur permettra d'être ensemble pour toujours. L'objectif de ces romans est clair: il ne s'agit pas de refléter ici la réalité, mais bien de divertir le lecteur (ou la lectrice) en lui proposant comme sujet l'amour, un sujet toujours d'actualité dans bien des romans, et qui a le mérite de prolonger l'intrigue sur des pages et des pages grâce aux multiples rebondissements.

(l'Astrée)


Par la suite, les auteurs ont cherché à donner image de la femme en adéquation avec la société: en plus d'avoir un but divertissant, les romans se dotent à présent d'un objectif moral. Les personnages en général représentent donc des vertus ou des défauts, parfois caricaturaux, pour marquer le lecteur en lui montrant ce qu'il faut être ou ne pas être, les comportements qui doivent être pointés du doigt: on peut citer en exemple la sulfureuse Manon de Manon Lescaut, qui n'hésite pas à offrir ses charmes, à se faire entretenir, quitte à faire souffrir le Chevalier des Grieux qui lui porte un amour indéfectible, ruinant son propre avenir par amour. Face à ce comportement débauché, la Princesse de Clèves de Mme de la Fayette met à l'inverse en scène une héroïne qui lutte au contraire contre ses sentiments et contre la tentation, quitte à mettre sa santé et sa vie en jeu. On retrouve bien ces  types de personnages dans les Liaisons Dangereuses de Laclos, avec la Présidente de Tourvel du côté de la vertu, et la Marquise de Merteuil du côté de la luxure. La femme est représentée dans toute sa dualité ici: entre sa sensibilité et sa faiblesse qui la place dans une position inférieure à l'homme, et toute sa séduction de femme pécheresse héritée d'Eve (pour vous en rendre davantage compte, foncez sur les adaptations cinématographiques de Stephen Frears ou sur Sexe Intentions). Le roman cherche donc à montrer l'image d'une société dans laquelle la femme a une certaine place qu'on cherche à lui apprendre au moyen des livres. Pendant longtemps, en effet, les jeunes filles ont été placées dans les couvents, où la lecture a été un des seuls loisirs de ces jeunes demoiselles...

(Les Liaisons Dangereuses)


C'est d'ailleurs la lecture au couvent qui est à l'origine de l'une des plus grandes héroïnes de la littérature, Emma Bovary, de Flaubert. Dans Madame Bovary, cette jeune femme, bercée par ses lectures de couvent, espère le grand amour, un grand amour qu'elle imagine tel aux romans de chevalerie qu'elle lisait plus jeune. D'où ses multiples désillusions face à une vie qu'elle voit comme une prison qui la pousseront, plus tard, à commettre le suicide. Emma Bovary est la représentation d'un certain esprit de société, la volonté de s'élever socialement, caractéristique de l'époque. Elle est aujourd'hui devenue l'une des héroïnes de roman les plus connues...

Mais c'est surtout le 19ème siècle qui voit apparaître une véritable littérature sociale, avec Zola en tête de liste. Zola aime les femmes et les personnages féminins. Dans sa saga des Rougon-Macquart, elles sont très nombreuses à être des héroïnes à part entière, véritables représentations de la société: on peut citer Gervaise, l'héroïne troublante et émouvante de l'Assommoir, Nana, sa fille, ou encore Denise, dans Au Bonheur des Dames. Les Rougon-Macquart, ou une peinture vivante de l'homme, et de la femme, avec des visions captivantes de celle-ci. Je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans cette saga incroyable, qui vous offrira un panel assez impressionnant de personnages.


(Gervaise, une héroïne poignante et sociale)


Par la suite, les femmes occupent de plus en plus de place dans la littérature, et ce avec la multiplication des romans écrits par des femmes. Les femmes ne se cachent plus: en effet, jusque là, les femmes étaient regardées de haut par leurs homologues masculins, et elles devaient se cacher sous des pseudonymes pour publier leurs oeuvres. C'est le cas notamment des trois soeurs Brontë, qui dissimulaient leur identité sous des noms d'homme (un avantage, au final, dans le cas des Hauts de Hurlevent, dont l'immoralité choqua beaucoup de leurs contemporains). Heureusement, par la suite, les femmes ont réussi à s'affranchir et à publier (plus ou moins librement, avec plus ou moins de préjugés) leurs romans. Certaines de ces auteures se sont spécialisées l'écriture de romans pour les femmes: Sophie Kinsella, par exemple, avec des titres sur le monde du shopping... (un peu réducteur, mais il en faut pour tous les goûts!). D'autres décident de rendre hommage aux femmes, leur rendant leur juste place dans la société et dans la littérature. C'est le cas de la grande Toni Morrison, une afro-américaine qui a décidé de se pencher sur l'histoire des Noirs, et surtout des Noires: ses différents romans mettent en scène des femmes, en tous genres, faibles, fortes, au lourd passé, comme Beloved, autour de l'esclavage. On peut également citer Jean Rhys, une créole qui réécrivit Jane Eyre à sa façon, en plaçant l'histoire du point de vue de Bertha, la première épouse de Rochester, dans Wide Sargasso Sea (la Prisonnière des Sargasses). Une réécriture d'un livre connu pour son héroïne déjà innovante, avec pour but d"innover encore davantage. La population noire et créole fascine tout particulièrement, comme le montre encore récemment le succès du film The Help, basé sur un roman de Kathryn Stockett, dont j'avais pu vous parler dans l'article sur les Etats-Unis...

(Jean Rhys réécrit Jane Eyre à sa façon)

Les femmes sont devenues incontournables dans le monde du roman, avec des collections et des ouvrages qui leur sont clairement destinés: le Diable s'habille en Prada, ou plus récemment, les Débutantes de J.Courtney Sullivan (que je vous conseille). Mais il ne faut cependant pas oublier que certaines héroïnes plaisent également aux hommes, notamment dans le domaine de la science-fiction...


En poésie: la femme amuse (et muse).
Parler d'héroïnes en poésie est un peu fort: le terme le plus approprié serait celui de muse. En effet, la femme fascine le poète, et la poésie est certainement la forme qui met le plus la femme en valeur. Déjà pendant la Grèce Antique, l'utilisation des épithètes encensait la beauté et la vertu féminines. On le retrouve particulièrement dans les passages consacrés aux déesses!

Pendant le Moyen-Âge, la femme apparaît, comme nous l'avons dit plus haut, cristallisée dans toute sa beauté et sa féminité, comme le rêve ultime du poète, du héros chevaleresque. L'apparition de la forme du blason, une forme poétique dans laquelle une partie du corps féminin (les cheveux ou les yeux, le plus souvent) est encensée, ne fait qu'amplifier cette image d'une femme parfaite.

Chaque poète a sa ou ses muses, qui lui inspirent des poèmes parfois enflammés: faire l'inventaire des muses est une tâche complexe, mais on peut citer Elsa Triolet pour Aragon, Jeanne Duval chez Baudelaire,... Baudelaire a par exemple composé de magnifiques poèmes sur les cheveux de ses amantes, des cheveux qui le transportaient parfois très loin.

(Baudelaire est connu pour ses poèmes dédiés à ses différentes muses...)


La muse est aussi une inconnue, une femme dont le poète croise parfois le regard au détour d'une rue: nombreux sont les poèmes destinés à "une passante". On en trouve chez Nerval, mais le plus connu est sans doute celui de Baudelaire:

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !





Petit détour par la littérature pour enfants et adolescents:
Terminons cet article en nous penchant, rapidement, sur la littérature pour le jeune public. Nous l'avions déjà évoqué plusieurs fois dans les articles consacrés à ce type de littérature, les romans sont souvent divisés selon les genres, avec des ouvrages pour les filles, et d'autres pour les garçons, même si certains attirent tout le public grâce à des personnages issus des deux genres: c'est le cas du Club des Cinq par exemple. Il existe également de grandes héroïnes dans la littérature pour enfants: on peut citer Matilda de Roald Dahl, ou encore Peggy Sue, de la géniale série de Serge Brussolo Peggy Sue contre les fantômes, Violette des Orphelins Baudelaire, ou la très célèbre Tara Duncan, dont les aventures parcourent le monde entier, séduisant autant les filles que les garçons.


(Tara Duncan et Peggy Sue)


Voilà, un article somme toute assez long sur les héroïnes en littérature, héroïnes que nous connaissons, admirons, détestons,... On trouve des héroïnes partout, dans le cinéma ou à la télévision (avec des séries comme Xena, Buffy, ou même Charmed). Dans le domaine de la littérature, mes héroïnes préférées sont souvent les héroïnes de science-fiction ou de fantasy, souvent très fortes et s'échappant du carcan de la petite femme fragile... J'aurais également pu vous parler d'autres héroïnes en littératures, les femmes qui se cachent derrière ces livres, qui écrivent, et qui parfois rencontrent de nombreuses difficultés, mais je vous réserve cela pour un prochain article! Et vous, quelle est votre héroïne préférée?

AnGee Ersatz*

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